Impulser la transformation du quartier
Interview de Sandrine Morey, Directrice générale de la SEMAPA.
Quel rôle la SEMAPA joue-t-elle dans la transformation du quartier ?
Société publique locale d’aménagement, la SEMAPA conçoit, planifie et met en œuvre des projets urbains définis par la Ville de Paris. À ce titre, elle impulse la transformation du quartier en achetant puis en remembrant les terrains pour permettre la réalisation des programmes de constructions et assurer les travaux des espaces et des équipements publics. Ces actions sont réalisées en concertation avec les habitants et acteurs locaux afin de tenir compte des besoins et des usages tout au long du projet.
Quels ont été les grands défis à relever ?
Le facteur temps est ici essentiel. L’opération de transformation du quartier a été initiée en 1991 et elle ne sera pas achevée avant 2030. Il faut donc maintenir dans la durée une cohérence urbaine tout en faisant preuve d’adaptabilité dans la programmation. Ce dernier point est essentiel pour permettre des évolutions qui tiendront compte de nouveaux enjeux ou viendront satisfaire de nouvelles exigences. En raison de cette durée, notre objectif a toujours été de livrer des quartiers au fil du temps, chacun avec ses équipements de proximité, ses commerces, ses espaces verts… Aujourd’hui, Paris Rive Gauche se conçoit plutôt comme la somme de plusieurs quartiers possédant une identité propre : Austerlitz, Tolbiac, Masséna et Bruneseau. La topographie des lieux a été un autre défi à relever. En effet, pour relier le 13e arrondissement à la Seine sans interrompre le service des voies de la gare d’Austerlitz et du RER C, il a fallu réaliser une dalle de couverture constituant un nouveau sol de référence.
Quelle a été la contribution de la SEMAPA dans la conception des Tours BPCE ?
Très tôt, nous avons engagé une réflexion prospective sur la question de la connexion entre Paris et Ivry-sur-Seine, qui est un enjeu d’échelle métropolitaine. Nous ne préjugions de rien, mais nous pressentions qu’il faudrait du temps pour stabiliser un projet ambitieux qui intègre l’infrastructure du périphérique. La SEMAPA a ainsi organisé une grande consultation d’urbanisme à l’issue de laquelle le projet de l’architecte urbaniste Yves Lion a été choisi. L’idée-force de ce projet était de recourir à la grande hauteur et à la mixité pour intensifier les usages à la rencontre de Paris et d’Ivry, où le sol est rare. Il s’agissait d’imposer la ville à l’infrastructure et non l’inverse. Après une longue période d’étude et de concertation, nous avons lancé une nouvelle consultation auprès de promoteurs et d’architectes pour le premier programme d’immeuble de grande hauteur (IGH), se dédoublant en deux bâtiments en bordure des voies ferrées. Cette fois, c’est le projet Duo de l’architecte Jean Nouvel qui l’a emporté.
Quel regard portez-vous sur ce projet architectural ?
Les Tours BPCE combinent un design unique avec une fine adaptation au site. Elles réinterprètent en l’exacerbant la subdivision classique soubassement / étage courant / couronnement, ce qui est une façon originale de traiter le rapport au ciel avec la même attention que le rapport au sol. En plus de leur déhanchement et de leur inclinaison, cela leur donne cette silhouette très caractéristique, qui forme désormais l’un des éléments identitaires du quartier et plus largement du sud-est parisien. Ces inclinaisons sont évidemment marquantes et permettent un dialogue de volumes intelligent avec les bâtiments voisins. Elles sont par ailleurs mises à profit pour refléter dans les façades les mouvements des voies ferrées, les flux de la ville, ce qui en fait des édifices très contextuels.
Comment imaginez-vous le quartier dans dix ans ?
La transformation du quartier va bien sûr se poursuivre, notamment avec la construction de logements de toutes catégories et d’équipements publics le long du boulevard Jean-Simon. Avec la restructuration du boulevard périphérique et de ses bretelles, il est désormais possible de créer une nouvelle voie réservée aux circulations douces qui va relier les quartiers de Paris et d’Ivry. Bordée par de nouveaux programmes diversifiés de part et d’autre du boulevard périphérique, elle remplira un rôle fondamental en consolidant la mise en place d’un lien de vie, d’usages et de sociabilités entre les deux villes.
Directrice générale de la SEMAPA
Bibliothèque nationale de France
Ouverte le 20 décembre 1996 après huit ans de travaux, la Bibliothèque nationale de France (BnF) est l’un des sites emblématiques du quartier.Reconnaissable à ses quatre grandes tours angulaires symbolisant quatre livres ouverts (tours des Lois, des Nombres, du Temps et des Lettres), elle comporte une collection de 15 700 000 livres et recueils. En 2019, elle a accueilli plus de 920 000 visiteurs.
L’avenue Pierre-Mendès-France
Longue de 650 mètres, l’avenue Pierre-Mendès-France ouvre à la circulation en 2004. Elle accueille de nombreuses entreprises comme la Caisse des dépôts et consignations ou dernièrement le journal Le Monde qui y a installé son siège en 2020. Sans oublier les entreprises du Groupe BPCE, qui est né ici en 2009.
Couvrement des voies : retrouver la Seine
Élément essentiel de la transformation du quartier, le couvrement des voies ferrées doit permettre de restaurer un accès direct à la Seine. Pour le mener à bien, il a fallu réinventer un sol topographique favorable au-dessus des voies ferrées tout en créant des continuités urbaines entre les différents quartiers. Contrairement à La Défense où l’aménagement repose sur la construction d’une dalle détachée du sol naturel, le choix a été fait ici de construire un sol artificiel relié au sol d’origine : les espaces vides ont été remblayés avec de la terre, puis un sol artificiel a été construit au-dessus des voies.
Traverser le périphérique : mission accomplie !
Entre 2014 et 2018, de gigantesques travaux ont été conduits au sud-est de Paris pour supprimer le talus qui obstruait le passage vers Ivry-sur-Seine et le remplacer par un pont situé à 9 mètres de hauteur. Une opération particulièrement complexe sur un site contraint, encerclé par la Seine, les voies ferrées, le boulevard des Maréchaux et le périphérique. Pas moins de sept ouvrages d’art seront construits pour dévier les huit voies du périphérique et l’échangeur du quai d’Ivry, sans jamais interrompre le trafic automobile durant le temps des travaux. Sous le périphérique, l’allée Paris Ivry qui relie les deux villes peut voir le jour. Si cette voie dédiée aux piétons et aux circulations douces reste encore à aménager avec l’arrivée de commerces et de lieux de convivialité, elle constituera bientôt un atout indéniable pour le développement et l’attractivité du nouveau quartier Bruneseau.