Perspectives

Le point d’équilibre et l’architecture

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Le point d’équilibre et l’architecture

Valentine Colasante, danseuse étoile à l’Opéra de Paris, sur la terrasse du 30e étage de la Tour Est.

Pourriez-vous nous parler de votre parcours en danse classique et contemporaine ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette pratique ?

Très jeune, la danse m’est apparue comme une évidence. C’était un besoin, la recherche d’un équilibre. J’ai la chance à l’Opéra de Paris de pouvoir varier les styles de danses que je pratique grâce à un répertoire très large. On danse sur des chefs-d’œuvre avec la rigueur qu’impose le classique. On a aussi la chance de pouvoir travailler avec des chorégraphes contemporains sur des créations, des entrées au répertoire. Ce que j’aime profondément dans mon métier est de pouvoir alterner un peu tous ces styles différents, jouer avec les codes, juxtaposer tous ces genres. C’est une source d’épanouissement en tant qu’artiste de pouvoir se nourrir de plusieurs danses. D’évoluer avec son temps, aussi.

Jean Nouvel, architecte des Tours BPCE, a décrit ces bâtiments comme « deux danseuses en équilibre ». Est-ce que ce pari vous semble réussi dans l’apport de mouvement d’une structure qui peut sembler rigide a priori ? Est-ce que l’architecture et la danse ont des points communs ?

Cette image de deux danseuses en équilibre est très parlante : on y retrouve en effet dans l’expression de ces deux tours le mouvement avec le jeu des têtes pivotantes et désaxées, qui semblent déconnectées du reste des immeubles. En danse classique, pour tourner sur soi-même, il faut que la tête soit détachée du reste du corps pour justement créer ce mouvement. Un sentiment d’élévation se dégage aussi de ces tours, thème que l’on retrouve souvent dans l’art, pour échapper au quotidien, dans un mouvement de grâce et de légèreté. Il y a également une notion d’équilibre, souvent commune à la danse et à l’architecture. C’est vrai que ces tours inclinées sont assez impressionnantes : on a le sentiment qu’elles vont tomber et, en même temps, elles semblent suspendues dans l’air. C’est un mouvement immobile, l’équilibre parfait, un instant magique. Dans nos disciplines, ce sont justement des instants de grâce que l’on recherche pour arriver au point d’équilibre parfait. Enfin, le fait qu’il y ait deux tours, un duo, est très similaire au pas de deux en danse. Il y a une harmonie qui se créé de la différence. Pour ces tours, il en va de même. Prises séparément, ces tours n’auraient pas le même effet. C’est une osmose, une dynamique, elles se répondent – comme en danse.

Les Tours BPCE sont un lieu de passage, un lieu de vie, un lieu de mixité avec le mouvement incessant des employés, des habitants du quartier, des clients de l’hôtel. Est-ce que la vie d’un quartier peut être assimilé à une troupe de danse en action ?

Notre quotidien est un ballet : une vie de quartier impulse la même énergie qu’une troupe de danse avec des entrées, des sorties, une vraie mise en scène finalement. Et des jeux de décors aussi. De ce point de vue, les parois vitrées des tours reflètent la ville et le mouvement. Dans un ballet comme dans la vie d’un quartier, on ressent la puissance et l’énergie du groupe avec une harmonie entre un décor, des individualités et des mouvements. La danse existe depuis la nuit des temps, l’architecture aussi. Elles ont évolué au gré des époques et aujourd’hui, on essaie à travers ces deux disciplines d’élargir notre public. Ces tours s’intègrent parfaitement dans le paysage parisien. C’est la même volonté à l’Opéra de Paris, on essaie de faire venir un public le plus diversifié possible. C’est très important de pouvoir mixer dans chaque lieu culturel, chaque espace, différentes énergies, différentes visions.

Quel type de danse ces tours pourraient incarner ?

Ce duo de tours me fait penser au solo Lamentation de Martha Graham, où la danseuse est enserrée dans une étoffe d’où seuls ses pieds, son visage et ses mains émergent. Elle utilise le poids de son corps pour se balancer et, en même temps, exprime une sensation de mouvement. Cela pourrait aussi évoquer du hip hop avec tout ce système de dissociation entre chaque partie du corps. Ou peut-être, la danse du futur, celle qui n’existe pas encore !

Valentine Colasante

Danseuse étoile à l’Opéra de Paris

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