Perspectives

Le tournant du XIXe siècle

Perspectives

Le tournant du XIXe siècle

Jusqu’au début du XIXe siècle, le territoire qui relie la gare d’Austerlitz au périphérique sur une bande d’environ 700 mètres de large reste une vaste plaine assez peu développée. Parsemé de cultures et creusé de carrières, le quartier va entrer dans une nouvelle ère avec la Révolution industrielle, comme nous l’explique ici Gilles-Antoine Langlois, professeur, historien et urbaniste.

Pourquoi le quartier se développe-t-il si tardivement ?

La raison principale est d’ordre naturel. Les terres sont inondées plusieurs fois par an, les berges étant sauvages et non maçonnées jusqu’en 1928. En dehors des travaux agricoles se développent de rares activités : les péages, car il faut payer des taxes pour entrer dans Paris, et les carrières de moellon, situées sur l’actuel site de la Bibliothèque nationale. Les quelques habitants qui s’installent là sont des tailleurs de pierre et des paysans qui vivent dans des conditions très difficiles.

Quelles sont les premières constructions remarquables ?

La première, celle qui monumentalise le quartier, c’est la chapelle Saint‑Louis de la Salpêtrière, centre de l’hôpital général créé à la demande de Louis XIV en 1656 pour accueillir, de gré ou de force, toutes les femmes sans-logis. Son nom vient du salpêtre, indispensable à la confection de la poudre à canon, que l’on fabriquait sur place auparavant dans ce qu’on appelait le Petit Arsenal. La seconde ne laisse pas d’autre trace que le nom du quartier : celui de la gare. Ce n’est pas une référence à Austerlitz mais à une gare d’eau, destinée à mettre les bateaux en sûreté quand la Seine était gelée l’hiver. Conçue et creusée dans les années 1760, cette gare n’entrera jamais en service.

À quel moment l’histoire du quartier bascule-t-elle ?

Vers 1860, le développement du chemin de fer donne une impulsion nouvelle au quartier, qui entre de plain-pied dans la révolution industrielle. Si les produits lourds (pierre, sable, tonneaux…) sont toujours transportés par voie fluviale, les marchandises plus légères sont désormais acheminées par le chemin de fer. La surprise vient aussi du développement du trafic de voyageurs que l’on n’attendait pas. L’embarcadère de la ligne Paris-Orléans est inauguré en mai 1843 et la compagnie du chemin de fer d’Orléans à Bordeaux, qui exploite la ligne, loge du côté de la rue de Bellièvre ses cheminots et leur famille. Ces derniers forment ainsi un premier village.

Toute une industrie se crée donc ici ?

Absolument. Jusqu’en 1970, le quartier sera un lieu d’industrialisation continue avec ses industries de transformation et ses entrepôts installés entre la Seine et le chemin de fer. Verrerie, papeterie, sucrerie, meunerie, air comprimé… pendant plus d’un siècle et demi, l’activité sera intense. Puis, leur appareil productif devenant obsolète et le prix du terrain très élevé, les industries quitteront le quartier pour aller bâtir ailleurs des usines plus modernes. Le quartier sera laissé en friche pendant plus de 20 ans avant de susciter de nouveau l’intérêt. Un autre chapitre de son histoire va alors commencer…

Gilles-Antoine Langlois

Historien spécialiste du quartier

À lire ensuite
4 / 52
Portfolio

De la révolution industrielle aux années 1990

Portfolio

De la révolution industrielle aux années 1990

3 / 52